Half Moon Street
de
Anne Perry
"La brume montait en volutes de la surface argentée du fleuve, étincelant dans les premières lueurs de l'aube. Sur sa droite, contre le ciel perlé, se dressait l'arche sombre de Lambeth Bridge. Des péniches suivaient le courant descendant en direction du port de Londres, vers des docks encore invisibles dans le brouillard."
Debout sur une dalle de pierre humide, le commissaire Pitt observe une petite barque sur laquelle le cadavre d'un homme, habillé en robe verte, a été menotté. Comme si le meurtrier avait voulu livrer une parodie de l'Ophélie de Millais.
Alors que les soupçons se portaient d'abord sur un diplomate disparu, notre héros se rend très vite compte qu'il a affaire au corps d'un photographe renommé. Mais qui aurait pu en vouloir à cet artiste apparemment bien sous tous rapports?
Pour les besoins de cette enquête délicate, Thomas va tantôt arpenter les salons bourgeois, tantôt se mêler aux acteurs d'une troupe de théâtre.
Comme à chaque début de mois, me voici de retour avec mon billet autour de la série des Thomas et Charlotte Pitt.
Et, contrairement à Bedford Square, je dois tout de suite avouer que j'ai été moins convaincue par cet opus.
Certes, comme souvent, ce tome permet à Anne Perry de se livrer à une radioscopie de la société victorienne anglaise. A la suite du commissaire, on découvre ainsi les réunions artistiques d'Oscar Wilde, les rencontres photographiques de Hampstead, la vie d'une troupe de théâtre...Ces investigations se révèlent également l'occasion de rappeler certains combats de cette fin du 19ème siècle, tels que le droit au divorce des femmes.
Et comme souvent, j'ai été conquise par le talent de cet écrivain à ressusciter cette époque.
Toutefois, j'ai été moins séduite par ses tentatives de confrontation avec la société américaine et française. Par le biais de Samuel Ellison, beau-frère américain de Caroline, nouvellement débarqué à Londres et par le biais des lettres de Charlotte en voyage à Paris, elle essaie, en effet, de souligner les différences de ces trois pays. Mais tout m'a semblé un peu trop plaqué et assez maladroit.
En l'absence de Charlotte, de Grace et d'Emily, j'ai apprécié en apprendre un peu plus sur Caroline Ellison et sur son irascible belle-mère. Caroline est un personnage que la romancière a su formidablement faire évoluer et qu'on prend plaisir à voir heureuse avec son mari, Joshua. Finalement, suivant une voie assez parallèle à celle de sa fille cadette, elle a su se débarrasser du carcan de la société et choisir un mariage d'amour.
Et, n'est-ce pas ce justement que lui reproche le plus Mariah Ellison? Au fil des pages de Half Moon Street, de nombreuses révélations sont faites sur le passé de cette protagoniste. Et on comprend que cette femme n'a pas osé défier ses pairs et combattre un ordre établi. Un moyen pour Anne Perry de mettre en lumière toutes celles qui ont subi le joug de leur mari.
En ce qui concerne l'intrigue policière, je ne lui ai pas trouvé grand intérêt. Je n'ai pas compris ce début de recherches sur la disparition du diplomate. Tout comme j'ai eu l'impression que souvent, l'enquête passait en second voire troisième plan avant de trouver une issue assez mal tournée.
Bref, vous l'aurez compris: même si j'ai goûté l'arrière-plan historique et l'évolution des rapports entre Caroline et Mariah, je n'ai pas pris autant de plaisir que d'habitude avec cet opus de la série. Vivement la Conspiration de Whitechapel et le retour de Charlotte et de Grace!
Editions 10/18, 2006, 284 pages
Billet dans le cadre du challenge Anne Perry et d'une lecture commune avec Bianca, Céline, Fanny, Sybille et Soie.